martes, 19 de abril de 2016








Colombie. Penser le processus de dialogue
entre le Gouvernement et l’ELN
PARTICIPATION DE LA SOCIETE,
 DEMOCRATIE ET INCIDENCE SUR LES CHANGEMENTS NECESSAIRES POUR LA PAIX


CARLOS MEDINA GALLEGO
Enseignant – Chercheur
Université Nationale de Colombie
Centre de Pensée et de Suivi du Processus de Paix – CPSPP – UN


Suite à l’annonce du début des dialogues de paix entre le Gouvernement National et l’Armée de Libération Nationale – ELN, des efforts importants et nécessaires sont réalisés pour contribuer à la mise en forme de l’ordre du jour des discussions à travers la construction de méthodologies qui puissent permettre à ces conversations d’arriver à des accords mettant fin au conflit armé, dans un processus d’approfondissement de la démocratie et de création d’une société avec plus de justice sociale et plus de possibilités de coexistence pacifique.

Il est inévitable d’accepter que les trois premiers points de l’ordre du jour sont liés et qu’ils constituent en eux-mêmes, au vu de leurs rapports déterminants, un point unique. On ne peut pas comprendre autrement que la participation de la société existe en fonction des initiatives et des propositions qui rendent la paix viable… dans le cadre d’… un exercice dynamique et actif, incluant et pluraliste, qui permette de construire une vision commune de la paix favorable aux transformations pour la nation et les régions avec comme objectif, des programmes de transformations pour dépasser la pauvreté, l’exclusion sociale, la corruption et la dégradation environnementale, dans une recherche d’équité. Aspects qui seront atteints à travers des plans alternatifs intégraux avec une approche territoriale, qui constituent des options économiques et productives au bénéfice des communautés.

En général, cet accord tend à ce que les communautés aient une incidence politique sur la formulation des politiques publiques et des plans de développement local, régional et national.



1.     Une participation sociale qui a une incidence, un impact politique

La participation sociale avec une incidence politique des organisations sociales et des citoyens constitue le fondement essentiel de ces dialogues.

Cette démarche correspond en grande part à la nature  de l’ELN, organisation où les mouvements sociaux ont une influence importante dans la construction collective du développement territorial tendant à garantir le plein exercice des droits humains et civils, et à trouver des solutions aux principaux problèmes de pauvreté et de marginalisation d’une grande partie de la population. Dans ce cadre, différents groupes organisés de la société civile, des mouvements sociaux, des organisations paysannes, des ONG, des fondations, des groupes de base, émergent dans la vie politique avec l’objectif d’influer de manière positive sur la construction de politiques publiques locales et de plans de développement alternatifs.

Cette situation est rendue plus complexe par la libéralisation de l’activité économique, qui donne un rôle toujours plus important au marché et à l’entreprise privée nationale et transnationale, à travers des concessions et des privatisations. Les résultats controversés de ces politiques ont amené ces dernières années certains secteurs sociaux à réclamer pour eux-mêmes une attitude plus protagonique face à l’Etat.

De la même façon, c’est à partir du « local » qu’émerge une vision alternative du développement qui cherche à repenser les mécanismes de relation entre l’Etat et la société civile à partir de la perspective d’une plus grande proximité entre les gouvernements locaux et la population pour définir les chemins du développement et du bien-être. Il y a là de nouveaux défis et de nouvelles responsabilités dans le champ de la politique et de la gestion publique car les communautés ne sont pas disposées à permettre que l’on continue d’instrumentaliser les espaces de pouvoir pour l’intérêt particulier au détriment des conditions générales de vie des populations. La scène politique traversée dans les régions a été chargée de violence, de clientélisme et de corruption. Cela rend nécessaire dans un contexte de paix que soient refondées les pratiques sociales, de participation politique et d’incidence réelle sur la formulation des politiques publiques, la formulation et la mise en œuvre des plans de développement. Cela comporte clairement deux objectifs dans les imaginaires de l’ELN :

Premièrement. Mettre en route une stratégie de participation où la formulation de plans de développement et de politiques publiques se centre chaque fois plus sur les acteurs sociaux du développement eux-mêmes, en encourageant le renforcement de leurs capacités à gérer et à être protagonistes de leur présent et de leur futur. Cela se dirige vers une autonomisation des groupes organisés de la société marginalisée et de la société locale en général, comme une des réussites les plus importantes du processus, et qui se manifeste par la capacité d’incidence politique orientée vers l’exercice de leur « pouvoir » face à la société qui les abrite.

Deuxièmement. La plus grande exigence en matière d’effectivité des accords se traduit par la nécessité de garantir une durabilité des résultats et des bénéfices pour de larges secteurs de la société. L’atteinte de la durabilité et une « massification » des résultats demande, souvent, d’adapter les cadres normatifs et les politiques publiques locales, régionales ou nationales, en rendant impératif le fait que les accords incorporent la dimension d’incidence politique dans leurs approches afin de prioriser les capacités des organisations sociales pour influer sur les politiques publiques.

Le thème de la participation de la société part de deux dimensions :
  1. Renforcement des capacités des organisations et des institutions pour qu’elles deviennent des acteurs clefs dans toutes les phases d’incidence politique que peut avoir le processus dans la formulation de politiques publiques.
  2. Soutien aux processus d’incidence sur les politiques promus par des acteurs organisés, pas directement liés à des partis politiques, mais articulés à travers des mouvements sociaux et des secteurs spécifiques de la population (communautés afro-descendantes, indigènes, paysannes, femmes, jeunes…). Pour l’ELN, réaliser des activités de dialogue politique avec les communautés et avec les autorités gouvernementales nationales, régionales et locales, signifie assumer une position de défense des groupes sociaux pauvres et marginalisés pour qui elle travaille.

A partir de cet horizon de possibilités surgissent des inquiétudes portant sur la nature des « produits » des processus de participation de la société qui résulteraient suffisants pour que l’ELN considère qu’il peut être mis fin au conflit armé et que peut débuter une ère de luttes démocratiques. Certaines questions pourraient orienter cette réflexion :
1.      Quels sont les résultats des processus de participation (incidence) des acteurs sociaux et de la société en général qui constituent des produits valides pour la fin du conflit armé ? La formulation de politiques publiques et la concertation sur les plans de développpement sont-elles considérées comme des résultats valides ?
2.      Quelles sont les conditions et comment les acteurs sociaux peuvent avoir une incidence sur la formulation des politiques publiques, dans quels secteurs et à quel niveau ?
3.      Quel rôle assument ou doivent assumer les différents acteurs ou agents sociaux qui interviennent dans le développement du processus de paix, dans quelles conditions et avec quelles garanties ?
4.      Quels sont les portées, les limites, les tensions et les défis des processus d’incidence politique menés par les acteurs sociaux dans le développement du processus de participation ?
5.      Existe-t-il un temps défini pour les processus de participation et pour que soient formulés les plans de développement et les politiques publiques pertinentes aux niveaux local, régional et national ?


2.Des politiques publiques et des plans de développement alternatifs

Il est possible, en termes de réalisations tangibles sur des temps déterminés à partir des composantes que constituent les trois premiers points à l’ordre du jour (participation de la société, démocratie et changements pour la paix), que pour le processus de conversations entre le Gouvernement et l’ELN, le plus pertinent soit de générer des accords et des consenssus sur la mise en œuvre de plans alternatifs et la formulation de politiques publiques d’initiative sociale et populaire.

Bien que les politiques publiques soient généralement comprises comme des décisions des autorités gouvernementales, législatives, judiciaires ou de contrôle qui apportent des solutions spécifiques sur le maniement des affaires publiques, il est important de souligner que dans ce processus, elles acquièrent un composant constituant si elles partent des besoins des populations et des territoires et si elles convoquent pour leur formulation la société dans son ensemble. La participation de la société, à travers ses formes organisées et dans des processus de construction démocratique aident à l’enrichissement des propositions et revêtent les accords de légitimité. Il importe de souligner que la participation politique s’assume comme un processus, des actions orientées pour impacter politiquement la formulation des objectifs, des buts et des procédures à travers lesquels ont atteint le bien commun : la politique orientée vers la réalisation d’objectifs déterminés.

Il est pourtant nécessaire de signaler que la politique peut être comprise comme un exercice de pouvoir d’un groupe sur d’autres et que, dans un processus de construction démocratique de paix, sans que soient résolues les contradictions d’intérêts qui reflètent une relation antagonique entre différents secteurs sociaux, il est nécessaire de contempler la possibilité d’agir politiquement et éthiquement dans l’intérêt de tous les groupes concernés.

Dans une approche intégrale, les politiques publiques englobent les différents domaines de la société : L’économique, le social, le politique et le culturel. Pourtant, on parle habituellement de politiques sectorielles, ce qui conduit souvent à un traitement et à une gestion isolée ou segmentée. Fréquemment, cela engendre que les décisions sur les politiques publiques se fassent sans prendre en considération l’ensemble des variables, en provoquant des décisions parcéllaires et inéfficaces. Ainsi, actuellement par exemple, on note une application prépondérante des politiques économiques au détriment des autres domaines de la dimension humaine et sociale.

Mais concrètement : Que doivent donner les dialogues de paix entre le gouvernement National et l’ELN à travers la participation de la société ?... Selon moi, des politiques publiques et des plans de développement alternatifs.

a.     Politiques publiques

Les politiques publiques se concrétisent dans :
  • Les Normes, comme les constitutions politiques, les lois, les règlements, les décrets exécutifs, les résolutions ministérielles, les ordonnances, etc…
  • Les Organisations ou Institutions publiques, dont la fonction est la décision, l’exécution et/ou le contrôle des politiques publiques.
  • Les plans, programmes, projets et actions. Il s’agit par exemple de plans nationaux de développement, plans de développement local, programmes de santé ou d’éducation, projets de soutien aux micro-entreprises ou petites entreprises, etc.
  • Les budgets et investissements fiscaux, qui incluent les sources de financement (impôts, droits de douane, endettement public, etc.) et les lignes d’investissement dans la mise en œuvre de plans, programmes, projets et actions.

Les politiques publiques traversent un cycle de gestion qui comprend cinq étapes basiques : Formulation, décision, définition du budget, exécution et contrôle. Le cycle des politiques publiques peut être gérer à partir de la notion bureaucratique et de gouvernance de la chose publique, ou elle peut être le résultat d’un exercice démocratique et participatif avec l’incorporation des acteurs étatiques, sociaux et provenant de l’entreprise privée.

Il est important de prendre en considération les cinq étapes ou phases du cycle des politiques publiques car chacune d’entre elles a son temps propre.

La Formulation. Cette étape prend naissance avec l’idée sur une nouvelle politique publique, elle passe ensuite par la reconnaissance des acteurs en tant que sujets politiques, l’analyse des conditions et des relations de force face à une politique déterminée, l’identification de la problématique, l’analyse des alternatives et le choix d’un instrument formel (politique sectorielle, loi, règlement, etc.) pour déboucher sur l’élaboration technico-politique de la proposition de politique publique.

La Décision. Elle correspond au processus de résolution, de la part des organismes gouvernementaux compétents dont la responsabilité, les mécanismes et les procédures sont définis dans le cadre normatif, particulièrement dans la constitution et les lois nationales, dans les ordonnances départementales et les arrêtés municipaux.

La Définition du Budget. C’est dans cette phase que sont définies les sources de financement et l’assignation des ressources financières nécessaires pour exécuter les politiques décidées. Strictement parlant, cette étape devrait faire partie du processus de formulation et de décision, afin de pouvoir compter avec les ressources économiques nécessaires pour la mise en œuvre des politiques. La définition du budget est généralement réalisée une fois que sont approuvés les cadres normatifs, les plans, les programmes ou les projets.

L’exécution. Elle concerne la réalisation pratique de la politique publique. Alors que traditionnellement, cette étape était une responsabilité exclusive des autorités et des institutions publiques, elle est assumée aujourd’hui sur le principe de co-responsabilité entre les acteurs sociaux, publics et privés.

Le Contrôle. C’est la dernière étape et elle consiste au suivi et à l’évaluation des résultats, et à la pertinence et la qualité des politiques publiques approuvées et exécutées. Le contrôle exige que soient définies et mises en place des mesures d’évaluation, exprimées normalement sous la forme d’indicateurs qui permettent de mesurer les résultats et de dégager des enseignements qui permettent de modifier, améliorer et même abroger des politiques publiques et les substituer par d’autres.

b.    Plans de développement alternatifs

Les plans de développement alternatifs sont l’autre produit résultant des dynamiques de participation de la société dans les conversations de paix. La particularité de ces plans est qu’ils ne sont pas le résultat de l’initiative particulière d’un gouvernant dans la réalisation de ses programmes de gouvernement mais le fruit de l’articulation logique des besoins des populations et des territoires à travers la participation décisive de la société dans leur élaboration et leur exécution.
Ces plans cherchent à répondre aux demandes sociales en matière de plein exercice des droits concernant le développement économique, social, politique et culturel des populations dans les territoires. Ce sont des plans qui prennent au sérieux les initiatives des organisations sociales et citoyennes, en matière de développement sectoriel, mais qui le font de manière intégrale et non désagrégée.
La particularité de ces plans alternatifs, plans de vie ou plans communautaires, comme on les appelle également, c’est qu’ils fondent une nouvelle institutionnalité dans l’ordre de la participation, de la naissance de communautés autonomisées avec un pouvoir de décision et qui réclament d’être effectivement protagonistes dans les champs de mise en œuvre et d’exécution de ces plans, ainsi que d’assurer le suivi et le contrôle des programmes et des projets qui, techniquement et économiquement, vont au-delà de leurs possibilités.


3.Une nouvelle Institutionnalité

La formulation de la politique publique et l’élaboration de plans alternatifs va certainement donner naissance à un nouveau modèle d’institutionnalité qui se pense à partir du collectif dans la prise de décision et dans l’exécution de ce qui est planifié. L’institutionnalité fait référence aux organismes publics comme aux organisations sociales qui, bien qu’elles aient une structure et une composition distincte de celles des institutions publiques et qu’elles ne disposent pas du même pouvoir que les premières, ont une présence et une influence dans les réalités où elles interviennent.

Le passage des sociétés industrialisées à celles de l’information et de la connaissance a affecté le modèle bureaucratique et a rendu possible l’émergence du modèle de gouvernance publique. Ce dernier modèle a accompagné l’hégémonie des politiques néolibérales, orientées vers le rétablissement du contrôle des secteurs du pouvoir politique et économique sur les agents de la bureaucratie. Les signes distinctifs du modèle de la gouvernance publique sont la gestion basée sur la demande des usagers ou clients et le transfert au secteur privé de l’administration des services publics.

Dans le milieu des années 90, le paradigme de l’institutionnalisté publique a commencé à faire l’expérience de nouvelles transformations. Depuis lors, on en est venu à parler de gouvernance. Avec ce modèle, la qualité et la légitimité de l’action publique trouve son fondement dans l’articulation et l’interaction entre différents acteurs sociaux et l’Etat, ainsi que dans la coordination des différents niveaux de gouvernement.

Les principaux postulats de la gouvernance sont : L’Etat n’est pas l’unique acteur du développement, la coopération et la co-responsabilité des autres sont nécessaires ; les rôles et les responsabilités entre de multiples acteurs sont redéfinis ; il n’y a pas de modèles uniques mais une efficacité qui s’adapte à la réalité, une flexibilité, une expérimentation et un apprentissage sur la base de l’essai/erreur.

Globalement, dans la relation traditionnelle entre l’Etat et la société, on réserve aux institutions gouvernementales le rôle essentiel de la définition et de la conduite des politiques publiques, sur le fondement d’un fonctionnement vertical qui va de l’institution publique vers les citoyens considérés seulement comme des destinataires ou des bénéficiaires. Dans cette vision, les décisions sur les politiques se réalisent à travers des équipes techniques ou des spécialistes, très souvent dans une vision sectorielle et partialisée.

Contrairement à cette orientation, les nouvelles conceptions sur la gestion publique sont basées sur une relation plus démocratique à partir des communautés. Ainsi, dans la mesure où la conception, la mise en œuvre et le contrôle des politiques sont réalisées à partir de larges bases de participation, on rend possible la construction d’une vision plus intégrale des objectifs et on considère les liens intersectoriels et une perspective stratégique du futur.

Ces nouvelles formes de gestion de la « chose publique » n’impliquent pas l’annulation des modèles antérieurs de la bureaucratie ou de la gouvernance mais leur complémentarité, en permettant une relégitimation des institutions de l’Etat et de son rôle dans les processus de développement basés sur une participation sociale décisive. Dans certaines zones où opère l’ELN, la gouvernabilité a vécu des transformations significatives dans le champ du modèle d’institutionnalité qui engage le communautaire dans la conduite des secteurs stratégiques pour favoriser le bien-être des communautés, comme par exemple, les services publics.


4.Incidence politique sur la formulation des plans de développement et des politiques publiques

La participation de la société, la démocratie et les changements nécessaires pour la paix sont conçus dans le cadre d’une proposition d’incidence politique réelle de la société sur les territoires.  L’incidence politique peut être comprise comme processus à travers lequel les citoyens, les acteurs sociaux, économiques et institutionnels, participent ou influent sur la définition, la gestion et le contrôle des politiques publiques générales ou sectorielles, au niveau local, départemental, national ou international. Cette participation ou influence implique de créer, modifier, de réaliser et/ou de déroger ou limiter les politiques publiques.

Si l’incidence politique en général et l’incidence sur les politiques publiques font partie de l’action politique, l’incidence sur la formulation des politiques publiques acquiert une importance majeure dans la mesure où elle suppose la modification des cadres normatifs, institutionnels et budgétaires ainsi que les plans, programmes et projets publics, pour qu’ils répondent aux intérêts des secteurs sociaux qui sont traditionnellement marginalisés.

Il y a un consensus général sur le fait que les politiques publiques les plus pertinentes et efficaces sont celles qui se construisent de manière participative et incluante car elles se basent sur l’exercice de droits. Cette forme de construction des politiques publiques ne se réduit pas à la création de conditions normatives, institutionnelles et opératives, elle apporte en plus la transformation des relations asymétriques de pouvoir entre les différents acteurs sociaux, ce qui offre la possibilité de compter sur des politiques publiques incluantes et formulées à partir d’une vision du développement équitable.

L’incidence sur la formulation de politiques publiques est un processus relationnel entre de multiples acteurs - organisations sociales, institutions privées, secteurs de l’entreprise, polititiens - et les pouvoirs publics qui incluent le gouvernement, le parlement, l’administration de la justice et les organismes de contrôle. C’est donc un processus éminemment politique dans lequel sont en jeu des intérêts divers et des relations de force ou de pouvoir. Malgre le caractère politique de ces processus, la formulation, la budgétisation, la gestion et le contrôle des politiques publiques requièrent également des critères et des apports techniques car, pour trouver des solutions aux problèmes ou aux limites qui appellent des interventions, on a besoin de planification, de direction stratégique et de construction technico-politique d’alternatives viables.

Les sujets destinataires de l’incidence sont les pouvoirs publics en tant qu’acteurs du processus de prise de décisions. Les fonctions exécutives ou de gouvernement, et les fonctions parlementaires ou législatives ont une importance particulière aux niveaux local, départemental, national et même sur la scène internationale, comme réponse à l’influence exercée par cette sphère dans un contexte de globalisation. C’est avec chaque fois plus de force que surgit l’idée d’une société civile globale ou internationale avec une capacité d’incidence sur la définition des régulations mondiales en partant des droits de l’humanité.

Aujourd’hui, il ne suffit plus que les politiques publiques soient le résultat du travail technique et de la décision des autorités démocratiquement représentatives. On exige que les politiques se trouvent dûment formulées et sous-tendues, et qu’elles prennent en compte les divers intérêts et points de vue existants dans la société, en garantissant la participation délibérative de certains secteurs.

Dans ce sens, l’Incidence en Politiques Publiques (IPP) est un processus (Participatif, Intentionnel, Organisé, Planifié, Systématique, Politique, Technique) à travers lequel les acteurs sociaux, économiques, institutionnels, et les citoyens en général, influent sur les politiques publiques à différents niveaux (Local, Régional, National, International) en modifiant les relations de pouvoir, avec l’objectif de garantir l’exercice des droits fondamentaux, le Développement équitable et une influence décisive sur la formulation de Politiques publiques incluantes.


5.Démocratie et participation citoyenne

Il n’existe pas une définition unique de la démocratie. La « démocratie » a des sens différents suivant l’idéologie de qui l’applique (libérale, néolibérale, socialiste, socialdémocrate, populaire…). L’ELN adoptera certainement une conception de la démocratie comme doctrine ou système politique basé sur l’intervention du peuple dans les décisions collectives ou de gouvernement. Dans ce régime politique, la souveraineté réside dans le peuple et est exercée par ce dernier de manière directe ou indirecte.

On parle de démocratie directe quand les décisions sont prises directement par les membres du peuple, des communautés, de leurs formes naturelles d’organisation sociale et citoyenne. Il y a une démocratie indirecte ou représentative quand la décision est adoptée par des personnes qui ont reçu le mandat de représentation de la part du peuple. La démocratie participative évoque le fait que le modèle politique permet la participation directe des citoyens pour négocier leurs intérêts et chercher à construire des consensus publics, communautaires et privés, basés sur la revendicaiton des droits citoyens. Ces trois formes de démocratie ne constituent pas en elles-mêmes des alternatives différentes, elles peuvent être appliquées de manière complémentaire.

Assurément, l’ELN part de l’affirmation qu’il existe une crise de légitimité que doivent affronter les systèmes démocratiques de plusieurs pays latinoaméricains en conséquence des limites mises en évidence pour trouver des solutions aux grandes inéquités sociales qui affectent de larges secteurs de la population. C’est la raison pour laquelle l’ELN a impulsé le développement d’initiatives en vue de renforcer l’esprit démocratique chez les citoyens et les mouvements sociaux, avec l’objectif de renouveler les institutions publiques, en les dotant d’une plus grande efficacité et de capacité pour représenter les demandes des populations et pour canaliser et contribuer à la résolution des conflits régionaux et nationaux.

De même, l’ELN considère que le manque de crédibilité des élites politique et de certaines autorités publiques met en évidence que l’élection par vote populaire n’est pas suffisante pour garantir la légitimité. Ce qu’elle peut permettre, dans le meilleur des cas, c’est la légalité. Dans les conditions actuelles, la légitimité dépend de l’équilibre, de la participation et de la représentation par les acteurs sociaux, politiques et publics des demandes et des intérêts sociaux et citoyens.

Par conséquent, quand l’ELN réclame la participation, cela ne signifie pas qu’il faille entrer en compétition avec les institutions de représentation, elle demande plutôt que ces dernières servent les intérêts, les besoins et les droits sociaux et citoyens. Autrement dit, la démocratie directe et participative ne réduit pas et n’élimine pas le rôle de la démocratie représentative, elle lui donne plutôt un nouveau sens démocratique. Une plus grande participation sociale et citoyenne est non seulement un mécanisme pour garantir les droits démocratiques mais aussi un mécanisme qui, pour assurer la participation sociale et citoyenne dans les affaires publiques, appelle à assumer des obligations majeures.

On a mis en évidence que la participation sociale et citoyenne est une composante fondamentale d’un nouveau type de démocratie, constituée par la combinaison et la synthèse entre démocratie représentative, démocratie participative et démocratie directe. Elle constitue à son tour, des bonnes pratiques de gouvernement, par le mécanisme d’expression de l’intérêt ou du projet des différents acteurs sociaux. Cette combinaison peut conduire à la réforme démocratique de l’Etat et à la transformation des relations entre l’Etat et la société, particulièrement en ce qui concerne la modification et la réduction des asymétries sociales et les relations de pouvoir.

En plus d’aboutir à une nouvelle forme de démocratie, d’autres arguments plaident en faveur de la participation : Elle offre une information sur le climat social dans lequel seront exécutées les activités du développement, elle révèle de manière efficiente les demandes et les besoins des communautés dans les territoires, elle engendre des apprentissages sociaux et de l’innovation dans les pratiques démocratiques et de gestion publique, elle renforce les acteurs et les institutions locales, elle favorise la crédibilité et la légitimité des processus, elle contribue à améliorer l’efficience des institutions locales, elle contribue à la formation de capital social, elle renforce les performances productives de la région ou de la localité, elle contribue à la consolidation de l’identité locale ou régionale.

A propos de la participation, on rencontre deux grandes visions. Soit on considère la participation comme un instrument de technique sociale et politique destiné à impliquer la population dans l’élaboration des propositions, soit au contraire, on la met en lien avec l’amélioration des institutions publiques et avec l’exercice de la démocratie dans un processus d’élargissement et d’approfondissement, qui se reflète dans un changement d’orientation de la gestion publique vers un modèle plus incluant et pluraliste. La participation combine ces deux dimensions, elle apparaît comme une alternative face à la crise du système politique et au modèle économique excluant, aux défis d’efficacité et de durabilité des processus de développement, et aux nouvelles pratiques de développement local et de décentralisation.

Les processus participatifs ont besoin de construire certaines conditions basiques pour pouvoir murir et être efficaces. Il faut du temps pour, entre autres, promouvoir l’organisation et l’autonomie des acteurs sociaux, identifier leurs demandes et construire des alternatives techniques, approfondir la connaissance de la réalité sociale et des processus de prise de décision dans les affaires publiques, ouvrir le dialogue et attirer l’attention des autorités et des acteurs qui prennent ou facilitent les décisions, promouvoir un équilibre des forces quand il existe des relations asymétriques de pouvoir. Cette situation doit être prise en compte pour la table de conversations gouvernement-ELN, car il y a une saturation du processus de conversations de la première table[i] qui va peser avec force sur la deuxième, avec une demande de résultats sur des temps plus courts. C’est pourquoi il est nécessaire de définir avec clarté le type d’éléments demandés de la participation de la société qui sont nécessaires pour la paix et les méthodologies et chronogrammes à travers lesquels seront atteints ces éléments qui doivent servir à la signature d’un accord de fin du conflit, et qui ne sont que le point de départ d’un long processus de transformations démocratiques.

La participation de la société dans la formulation de politiques publiques et de plans de développement alternatifs a différents niveaux qui vont de l’accès à l’information jusqu’à des formes de participation plus complexes et completes qui impliquent les communautés dans des aspects importants de la gestion publique et l’exécution des politiques, des plans et des projets de développement. Une route de participation pourrait considérer plusieurs niveaux, mais les plus courants sont les suivants :
       L’information se trouve au premier niveau de la participation sociale et citoyenne, et c’est la condition basique qui rend possible tout type de participation. Elle est basée sur la connaissance de ce qui existe ou sur les propositions de normes, de plans, de programmes, de projets et de budgets des communautés et des organismes publics. C’est un niveau qui établit avec clarté l’état des choses, comme un diagnostic de situation du changement qui construit l’intelligence sociale nécessaire pour que soient prises des décisions raisonnables et judicieuses.
·       Un deuxième niveau est celui de la consultation des citoyens, à travers des consultations populaires, des assemblées locales ou régionales, des chapitres populaires, des assemblées constituantes locales, des tables de travail, d’échange et de concertation, sont autant de possibilités qui permettent aux communautés, coinjointement avec les autorités gouvernementales et législatives locales d’arriver à des accords sur les demandes et les urgences de la population en matière d’action publique.
        La participation avec une capacité de décision est le troisième niveau, dont les formes les plus connues sont le plebiscite et le référendum. Il existe également d’autres modes plus innovants avec une portée plus localisée comme l’élaboration des plans de développement et les budgets participatifs ou la planification concertée du développement local entre les champs publics et communautaires.
       La co-responsabilité dans l’exécution des plans de développement et des politiques publiques peut être considérée comme le quatrième niveau. L’exécution suppose une distribution adéquate des fonctions et des responsabilités entre l’Etat, les communautés et les citoyens en général. L’inclusion des communautés et des mouvements sociaux dans l’exécution des programmes, des plans et des projets d’intérêt commun avec un accompagnement technique et un contrôle fiscal constitue un exercice innovant en matière de participation dans la gestion publique.
       Un cinquième niveau est le contrôle social des actions des institutions publiques par la population et ses différentes formes d’organisation, en lien avec le suivi et l’évaluation, et avec différentes formes d’examen et de veille citoyenne sur le respect de ce qui a été accordé et construit socialement.



6.     Risques et limites de la participation de la société

Les opportunités pour participer et avoir une influence sur les politiques publiques ne sont pas les mêmes pour toutes et tous les citoyens. L’exclusion qui caractérise nos sociétés évince d’amples secteurs sociaux de la définition, de l’exécution et du contrôle des politiques publiques. Par le genre, par l’extraction socio-économique, par l’origine ethnique, l’âge ou le lieu de résidence, une grande partie de la population de notre pays rencontre des obstacles à la participation.

La perte des limites entre gestion publique et intérêts privés qui se produit depuis plus de trois décennies, l’opportunisme manifesté par les élites politiques et économiques, et leur désintérêt particulier pour le bien commun, ont engendré un désenchantement des citoyens et un manque de confiance envers les institutions de l’Etat. Actuellement, plusieurs conflits s’expriment et sont résolus en dehors des canaux légaux, dans la construction de nouvelles institutionnalités qui prennent la forme de l’Etat.

Malgré ces problèmes et malgré l’exercice brutal de la violence, les communautés, leurs mouvements sociaux et les citoyens se sont mobilisées en prenant des forces à travers l’action organisée des secteurs ethniques, des quartiers, des femmes, des défenseurs de l’environnement, des gouvernements locaux, entre autres. Les acteurs traditionnellement exclus des processus de construction des politiques et sans capacité de faire valoir leur vision dans la gestion publique tendent aujourd’hui à exercer leurs droits citoyens et à être reconnus à partir de leurs espaces propres. Peu à peu, ils se sont convertis en sujet social de droit et en sujet politique avec une influence déterminante sur le territoire.

Pourtant, au-delà de tout l’éventail d’opportunités offertes par la participation de la société dans la définition des affaires publiques du développement, il est nécessaire de signaler qu’il existe également un certain nombre de risques et de limites dans les processus participatifs :

  • La plus grande limitation est l’absence de pouvoir des secteurs qui ont le moins de ressources et une capacité moindre pour influer sur les processus et toute prise de décisions : la population qui supporte des situations de pauvreté dans des conditions de désorganisation et de dispersion extrême, la piètre participation, conditionnée, des enfants et des adolescents, des femmes, des indigènes et des afro-américains, entre autres.
  • Les limites à la confrontation avec des groupes ou des élites participatives qui comptent généralement avec des niveaux plus élevés de culture, de connaissance technique et avec plus de ressources institutionnelles, matérielles et économiques mais qui ne représentent pas les intérêts des secteurs sociaux marginalisés.
  • La participation des citoyens non organisés qui conforment la majorité de la population, avec la crainte du conflit armé ou de la répression institutionnelle vécue par de larges secteurs de la population.
  • La perception du conflit à travers le conflit armé, en méconnaissant sa nature sociale et politique. En effet, le conflit compris positivement et traité de manière adéquate engendre une démocratisation majeure de la société. Il ne faut pas oublier qu’un des éléments essentiels de la démocratie et de la politique a été le conflit qui se produit par les asymétries sociales et qui pousse certains secteurs à s’orienter ver la recherche d’équité et de justice.
  • Un risque auquel il faut prêter une attention particulière est celui engendré par un modèle de participation inutile, où s’usent les forces sociales en élaborant des propositions et en proposant des politiques, des plans, des programmes, des projets, des actions qui n’ont aucune influence sur le comportement institutionnel, sont ignorés ou, pire encore, ne sont pas respectés après avoir été accordés.
  • Un autre risque est de ne pas comprendre que le dialogue politique pluraliste est celui dans lequel s’établit une relation et une interaction entre deux ou plusieurs acteurs différents, qui sont disposés à s’entendre à travers l’expression de leurs intérêts et de leurs arguments, la négociation délibérative et la concertation.

Dans sa dimension politique et sociale, le conflit est constitué comme demande d’une plus grande liberté et participation sociale, ainsi que d’une meilleure distribution du pouvoir politique et d’une plus grande équité sociale : Voilà le but ultime de la participation sociale avec incidence politique.



7.     Les défis organisationnels de la participation de la société dans la construction de la paix

La participation sociale et citoyenne dans le développement de la gestion politique et le renforcement de la démocratie doit être caractérisée comme diverse et complexe. Son traitement dépend de multiples facteurs comme le moment historique qui se vit dans le pays et dans les régions, la pertinence sociale de la participation, l’entourage culturel et idéologique de ceux qui participent, leur capacité organisationnelle et de mobilisation sociale, leur intelligence propositive, la capacité à accepter et à se mouvoir dans une pluralité d’intérêts, la disposition politique de l’institutionnalité, l’existence de canaux légaux et légitimes, les conditions et les ressources, les accompagnements techniques, les mécanismes de résolution négociée des conflits, les médiations qualifiées, entre autres.

Malgré cette complexité à peine esquissée, il est nécessaire d’établir des critères qui aident à affronter les défis que rencontre la participation de la société dans un processus de conversations de paix où son protagonisme est essentiel.
Je crois qu’un point à résoudre est celui de la capacité d’incidence politique de la société dans la prise de décisions et dans le procédé de la participation lui-même. Notons quelques aspects à prendre en considération :

a.      Dans un processus de participation sociale qui projette d’avoir une incidence politique, il est nécessaire d’assurer que l’acteur social ou les acteurs sociaux qui le développent, incorporent des formules de concertation en interne dans leurs propres organisations. Avant de porter des dénonciations, des diagnostics et des demandes, il faut que soient établies des routes claires de concertation sociale sur ce qui est réalisable et que cela soit le résultat d’une modalité interne de consultation, d’analyse et de décision qui clarifient et rendent explicites des élaborations permettant d’assurer une fluidité des conversations et de donner une réponse opportune et pertinente aux processus de conversation et aux accords qui ont lieu en externe. Ce qui est décidé en interne est un matériel de travail et ne doit pas se convertir en obstacle infranchissable. C’est matière à accord et non à imposition.

b.      Les organisations sociales doivent être en relation avec différentes instances de la gestion publique, dont les partis politiques. Si les partis politiques ont perdu en crédibilité et en représentativité, ils continuent à être des organisations de la société civile qui s’orientent spécifiquement sur l’incidence politique et qui travaillent pour accéder à l’exercice direct de la gestion publique. Ce sont des éléments indispensables de la scène démocratique et le défi consiste à réussir et maintenir des systèmes démocratiques en leur sein. Les organisations et les mouvements sociaux doivent toujours plus influer sur le comportement des partis politiques, car ces derniers ont la fonction d’intervenir dans la solution de leurs problèmes face aux institutions étatiques.

c.       De nombreuses thématiques sur lesquelles on veut influer peuvent comporter des grades divers de complexité, il peut donc être d’une extrême importance de compter sur des niveaux adéquats d’information et de critères techniques, avec un conseil et un accompagnement académique et professionnel qui facilitent la prise de décisions pertinentes.

d.      Il est nécessaire de considérer la participation de la société comme acteur dans les processus d’incidence politique, on doit prendre en considération toute entité sociale et institutionnelle avec une identité propre qui a une vision et un intérêt sur un thème, sur lequel elle assume une position, et qui agit et construit une relation sociale et une relation de pouvoir. Dans ce sens, les acteurs qui participent dans les processus d’incidence politique sont toutes les entités qui participent à la construction, la mise en œuvre et le contrôle d’une politique publique en relation avec un thème défini. Parmi eux, par ordre d’importance, les autorités publiques comme le gouvernement national, les gouverneurs, le Congrès national, les assemblées départementales, les conseils municipaux, les ministères, les secrétariats généraux, les fonctionnaires et les techniciens d’une entité ou d’un service public ; L’Organisation sociale de base et de deuxième degré ; les mouvements sociaux ; les partis politiques ; les groupes civiques ; les Organisations Non Gouvernementales ; le secteur privé des entreprises ; les organisations confessionnelles, les églises ; les centres d’expertise, de recherche, académique ou professionnel ; les médias (TV, journaux, radios, Web) ; les projets de coopération internationale ; les communautés ethniques, la population LGTB, les mouvements de défense de l’environnement ; entre autres.

e.       Le degré d’implication d’un acteur dans le processus de Participation Politique avec un certain niveau d’incidence peut varier en intensité et en profondeur. Un acteur peut, uniquement, disposer d’information pertinente sur un thème, connaitre le cadre légal et politique existant et les propositions de normes et de plans en cours d’élaboration. A un autre niveau, il peut être invité à exprimer sa demande et ses points de vue au sujet de l’action publique et des propositions en cours d’élaboration, jusqu’à extérioriser son opinion et participer à la décision sur une politique publique (par référendum, vote, etc.) et être co-responsable de son exécution et du contrôle de sa mise en œuvre.

f.       Il est important de comprendre quelles forces sociales ont intérêt  au développement d’une politique publique déterminée, par exemple, environnementale, minéro-énergétique, développement agraire, sécurité citoyenne, santé, éducation… Pour ce faire, on propose une classification des catégories d’analyse et une organisation rationelle des populations intervenantes, pour garantir un usage optimum de leurs expertises et motivations afin d’établir le diagnostic et concevoir les politiques et la stratégie à suivre. Il est important que ceux qui intègrent la force organisatrice et motrice de la participation sociale dans les territoires puissent identifier de manière concrète les autres acteurs en capacité d’influer sur l’élaboration des propositions, les éléments de politiques publiques, afin d’établir des stratégies viables ou introduire des ajustements qui augmentent l’impact de leur participation.

g.      Il doit exister une force organisatrice et motrice de la participation, composée par des acteurs sociaux, économiques, politiques, publics, civiques, qui exercent une pression directe ou indirecte sur le pouvoir gouvernemental, afin d’obtenir des décisions de politique publique conforme à leur vision et leur intérêt. Cette force doit être large et pluraliste, elle doit avoir l’initiative d’organiser le travail et de le conduire, ainsi que d’analyser les problématiques et leurs répercussions. Ils identifient les autres acteurs, définissent la stratégie pour leur participation. Le but étant d’influer politiquement pour atteindre une mise en adéquation ou un changement de politique, ils peuvent donc se faire accompagner d’assesseurs et d’experts dans l’élaboration de la conception technico-politique des propositions.

h.      Dans la participation de la société, ni la société, ni l’Etat ne se refondent, par contre, la démocratie s’élargit et s’approfondit, les conditions sont créées pour que les processus de transformation sociale puissent en découler avec une plus grande légitimité et légalité. C’est pourquoi il est nécessaire d’établir une bonne relation avec les instances qui ont des attributions et des compétences pour résoudre les demandes de politiques publiques et les persuader de l’importance de la gestion sociale dans le développement de la gestion publique.

i.        La participation de la société que nous avons caractérisée comme diverse et complexe, ne va pas toujours dans le sens de l’intérêt collectif et du bien commun, il y a également des forces qui courrent après l’intérêt particulier et le bien privé, des acteurs sociaux ou institutionnels qui s’opposent aux propositions et qui disposent des ressources pour influer sur les responsables de la prise de décision. Toute initiative de participation politique engendre une résistance de différente nature et intensité, elle a des opposants avec des forces et des arguments divers. Pourtant, il est nécessaire de rappeler que les forces d’opposition ne constituent pas toujours des blocs monolithiques : il y a en leur sein des secteurs avec qui on peut négocier, ce qui permet d’éviter que les propositions soient bloquées. L’idéal est que l’on puisse favoriser les intérêts de toutes les parties, mais cela n’est pas possible. Un accord avec ses limites sera toujours meilleur qu’une nouvelle guerre.

j.        Pour que la participation sociale soit drappée de la plus grande légitimité, il est toujours pertinent de compter avec le soutien de personnes influentes, d’une opinion publique favorable, d’organisations importantes… qui puissent jouer un rôle décisif au moment crucial. Des acteurs qui interviennent de manière active dans les processus de décision comme les médias (TV, radio, presse), les partis politiques et les mouvements sociaux, les centres d’expertise (milieux académiques, instituts spécialisés, secteurs professionnels), les institutions religieuses, les forces armées… Ces acteurs ont un grand pouvoir dans la société, ils influent sur la perception des citoyens, sur la formation des courants d’opinion et sur la position des personnes qui décident. Ils peuvent bloquer ou rendre visibles les propositions.


8.     Une route méthodologique simple

Ce qui est le plus difficile pour un processus de participation de la société dans un climat d’élargissement et d’approfondissement de la démocratie qui mette en exergue des propositions permettant d’engendrer les changements nécessaires pour la paix, c’est la question du comment faire et sur quels temps. C’est la raison pour laquelle il serait pertinent de prendre en considération les aspects suivants de construction d’unités d’analyse dans l’établissement de processus qui, bien que complexes, ne doivent pas être ingérables :

1.      Etablir les éléments qui unissent les acteurs. Les acteurs sociaux délimitent la problématique qui les préoccupent, les besoins qu’ils ont en commun et ils accordent les objectifs de changement qu’ils poursuivent. C’est l’élaboration des ordres du jour.

2.      Définition des mécanismes de participation et de représentation. Le groupe définit les mécanismes qui vont permettre la participation des différents segments d’acteurs qui le compose. C’est l’organisation de la participation et la construction des niveaux de décision, de représentation et d’autorité.

3.      Auto-diagnostic de la problématique. Le groupe procède à une analyse des différentes dimensions des problématiques, des acteurs impliqués et des formules de solution. Cela engendre une production sociale d’apports

4.      Elaboration d’une proposition et d’un plan d’action qui reflètent une volonté collective. C’est la systématisation et la formulation de politiques avec un plan d’incidence.

5.      Definition d’une organisation appropriée. Le groupe détermine une organisation efficace, établit des niveaux de décision et d’autorité, de représentation et d’interlocution légitime, qui s’approprie la responsabilité d’arriver à des accords et du suivi de la mise en œuvre.

6.      Exécution et évaluation du plan. Le groupe met en pratique le plan d’incidence avec une capacité à l’adapter en fonction des avancées, de la réaction des autres acteurs et des conditions changeantes de l’environnement.

Il existe différentes méthodes pour promouvoir ou réaliser des processus d’incidence de la société sur la formulation de politiques publiques mais en général, elles doivent passer par quatre étapes :

1.       Diagostic : On définit la ou les situations de conflit
2.       Elaboration de la proposition : On distingue a) l’identification des éléments clefs de la politique à introduire ou à modifier et b) la conception de stratégies d’action pour atteindre l’incidence 
3.       Dans l’établissement du plan d’incidence, on suggère de a) définir les lignes d’action et la répartition des responsabilités et b) la logique du plan.
4.       Dans le suivi et l’évaluation, prendre en compte a) le suivi-évaluation de l’execution du plan et b) l’évaluation de l’impact effectivement atteint avec la nouvelle politique


Réflexions finales

Convertir la société en sujet de dialogue dans des conversations de paix est le fruit d’un processus progressif d’autonomisation qui conduit des acteurs sociaux marginalisés ou exclus à développer leur vision du monde sociale et politique, à gagner en identité et en volonté politique, et de cette manière, à concevoir et à réaliser des actions d’incidence politique pour négocier des environnements qui correspondent mieux à leurs besoins. Avoir une incidence efficace sur la gestion publique requiert et implique une attitude pro-active, promeut le renforcement organisationnel et le besoin d’affirmer des leaders, de formuler des objectifs clairs et de développer des capacités pour se positionner face à l’opinion publique et d’autres forces sociales.

La capacité à influer sur le politique dépend du pouvoir que le groupe réussit à contrôler et de sa capacité à l’utiliser, ceci est en lien avec son renforcement comme sujet social et politique, tant en interne, comme dans ses relations avec d’autres groupes et intérêts, ce qui implique un dialogue plus large que ses propres espaces naturels et ses besoins propres ou exclusifs.

Les mouvements sociaux luttent pour réussir à négocier de nouvelles règles plus équitables qui contribuent à la transformation des relations de pouvoir et à la construction d’un bien-être, d’un vivre ensemble et d’une sécurité meilleurs, mais ils sont dans des espaces où la multiplicité des intérêts doit être prise en compte, dans des dialogues ouverts et francs où se construisent des ordres du jour communs. La production locale et régionale engendre des apports pour la construction de politique publique d’implications nationales car elles partagent des problématiques et des besoins qui le rendent possible.

Dans la proposition faite par l’ELN de mettre sa confiance dans la société pour qu’elle participe démocratiquement à la formulation de propositions, de politique publique et de plans de développement alternatif, une route pertinente est qu’elle se conclut dans le temps par un grand DIALOGUE NATIONAL et un PROGRAMME NATIONAL DE PAIX qui engage des réformes constitutionnelles et institutionnelles démocratiques, des politiques publiques, des plans de développement et des investissements focalisés.





Notes Bibliographiques. Une grande partie des idées de ce document appartiennent au patrimoine culturel des mouvements sociaux en Amérique Latine, exposés dans différents forums et ateliers internationaux, et systématisés dans des documents d’où elles ont été prises de manière littérale et ajustées à la réalité et aux besoins de l’actuel processus de paix entre le Gouvernement colombien et l’ELN. Parmi les documents utilisés :
·         “¿Cómo actores sociales inciden en políticas públicas?”. Memorias del IX Seminario Taller Latinoamericano ASOCAM. Cochabamba, Bolivia. Benalcázar, Patricio. (2006).
·         “Incidencia Política: Estrategia, Metodología y Herramientas” Ponencia presentada en el Seminario –Taller de ASOCAM. Área de Sociedad Civil de CRSEcuador. Cochabamba, Bolivia. CARE (2001).
·         Promoviendo el cambio de políticas. Guías y herramientas para la incidencia política. Atlanta, USA. Cifra, Jordi (1998).
·         Lobbying, cómo influir eficazmente en las decisiones de las instituciones públicas. Ediciones Gestión. Barcelona, España. http//:www.wikipedia.org Ocón (2006).
·         “Reflexión sobre la aplicación de métodos”. Ponencia presentada en el Seminario –Taller de ASOCAM. Cochabamba, Bolivia. Prats i Catalá, Joan (2005).
·         Las transformaciones de las administraciones públicas de nuestro tiempo. Institut Internacional de Governabilitat de Catalunya, Barcelona, España. McKinley, Andrés. CRS (2002).
·         Facilitando un taller básico de incidencia política. El Salvador. WOLA-CEDPA (2005). 








No hay comentarios:

Publicar un comentario