martes, 10 de mayo de 2016



Conversations entre le Gouvernement National et l’ELN
Sept suggestions utiles
 
CARLOS MEDINA GALLEGO
Enseignant-Chercheur
Université Nationale de Colombie
Centre de Pensée et de suivi du Processus de Paix – CPSPP-UN
 
 
Le 30 mai dernier, le Gouvernement et la guérilla de l’ELN – Armée de Libération Nationale ont donné à connaitre au pays un ordre du jour des conversations de paix pour commencer la phase publique de dialogues, avec les accompagnements internationaux correspondants et la participation déterminée de la société. Ce fait significatif dans le cadre de la construction d’une paix complète a donné lieu à d’importantes initiatives sociales, des attitudes institutionnelles circonspectes, de nombreux questionnements des secteurs opposés au gouvernement et à un « emballage » présidentiel lié à la prise d’otages, pour permettre au processus d’aller de l’avant.
 
Malgré toutes les observations et les objections sur ces conversations, il est essentiel de souligner l’importance de l’avancée que représente la fin de l’étape exploratoire, avec la reconnaissance de la spécificité de l’ELN, le fait d’avoir dépasser l’intention de lui imposer les accords de la Havane et leur méthodologie, la reconnaissance qu’il s’agit de deux tables de conversations pour un seul processus de paix et pour un seul pays, en laissant la porte ouverte pour que les deux processus puissent se retrouver sur des accords dont les thèmes sont communs.
 
Nous qui travaillons avec optimisme pour la paix, nous sommes toujours en train de penser au comment aider à construire les processus, de manière à ce qu’ils aient la meilleur forme possible et qu’ils puissent donner les meilleurs résultats. Nous le faisons à partir de l’étude et de l’expérience acquise dans les accompagnements au long de trois décennies d’essais, d’échecs et de très grandes avancées en matière de paix. La Constitution Politique de la Colombie qui fête ses 25 ans est un de ces succès significatifs.
 
Je voudrais faire 7 suggestions qui puissent être utiles au processus qui va débuter entre le gouvernement national et l’ELN :
 
Première suggestion : Il n’est PAS utile, en commençant les conversations, de mettre des barrières sur le chemin, des pré-requis, des conditions, des lignes rouges, des points inamovibles ou quoi que ce soit qui empêche de se rencontrer, de converser et d’arriver à des accords importants. On suppose que la phase exploratoire avait cet objectif, et pas seulement celui d’élaborer l’ordre du jour de ce qui est à discuter, mais aussi celui de débarrasser le chemin des obstacles qui pourraient empêcher le cours des dialogues. Or il n’est plus temps de reculer mais d’avancer. Si tout n’est pas prêt, il faut prendre la philosophie du muletier qui nous enseigne que c’est sur le chemin que l’on arrange les charges. Il est temps d’aller de l’avant.
 
Deuxième suggestion : La décision de négocier au milieu du conflit ne facilite pas le type de conversations que l’on prétend réaliser, avec un engagement décisif de la société. Il est nécessaire de créer un climat humanitaire qui permette aux communautés de participer dans les territoires, et aux membres autour de la table de discussion, de compter avec les conditions politiques permettant de se dédier pleinement aux conversations et aux accords, sans que les vicissitudes de la guerre maintiennent une opinion publique dans une réaction négative face à chaque fait qui arrive.
 
Ce climat humanitaire doit permettre de donner suite à la demande de libération des otages, la concentration et l’amélioration des conditions de vie des prisonniers et même leur participation directe dans les dialogues. Il doit permettre aussi d’offrir et de garantir la sécurité que ceux qui participent aux dialogues depuis la société, ne seront pas affectés par la guerre ni pendant ni après les conversations.
 
Au vu de la particularité des territoires où sont partagées les zones d’influence avec l’autre force qui mène un processus de paix et y développe ses propres dynamiques pédagogiques et de mise en œuvre, Acclimater Humanitairement les dialogues, c’est dans la pratique réduire le conflit et avancer vers le cessez-le-feu multilatéral. Mais aussi, prendre en considération qu’il existe une dynamique paramilitaire qu’il est nécessaire de stopper et sur laquelle l’Etat doit opérer en libérant ses propres forces de ces pratiques.
 
Troisième suggestion : Construire dès le début des conversations les relations entre les parties les meilleures et les plus solides afin que soient fondées les confiances, les sécurités et les certitudes que l’on est en train de travailler au succès du processus. La relation des chefs des délégations doit être fluide, ouverte, démocratique, flexible et réaliste. Peu importe que les conversations et les propositions soient intenses et contradictoires, il doit toujours exister la conviction qu’un accord où les parties soient satisfaites est possible. Il est nécessaire de ne pas apporter à la table des dialogues la mentalité de la guerre en tant que confrontation pour aboutir à la défaite de l’ennemi, mais plutôt celle de la politique qui contient la disposition pour arriver à des accords avec l’adversaire. Quand les choses sont très difficiles : Introduire entre les chefs de délégation la coutume du allez, prenons un p’tit café et causons… 
 
Quatrième suggestion : L’expérience du processus en cours et d’autres processus nous apprend qu’il est nécessaire d’unifier la stratégie pédagogique et communicative à l’attention de la nation afin que, depuis la table de conversations, il y ait toujours un message d’espérance sur ses avancées, même dans les moments les plus difficiles qui peuvent avoir lieu en interne. Il n’est ni utile, ni sain pour le processus d’amener les contradictions et les problèmes des discussions vers l’opinion publique alors que celle-ci ne peut rien y faire. Dans les moments les plus critiques, il est plus opportun que les deux parties soulignent ensemble qu’autour de la table des conversations, on travaille avec un effort et un dévouement particuliers pour que les accords aillent de l’avant. Une solide stratégie communicative commune est fondamentale pour affronter les critiques officiels des processus de paix.
 
Cinquième suggestion : Préciser les aspects méthodologiques et opérationnels du processus à la table de conversations. Il est nécessaire que les premières sessions, celles qui créent la confiance, les sécurités et les certitudes, apportent une attention particulière aux routes méthodologiques du processus. En particulier, celles qui ont à voir avec la participation de la société et ce qui en résulte.
 
A ce propos, la table des conversations pourrait prendre en considération les apports, les propositions que les communautés, les organisations sociales, politiques, non-gouvernementales, académiques… sont en train d’élaborer pour aider à construire le processus. Ils pourraient même inviter des représentants de ces formes organisées à se réunir avec eux pour présenter leurs propositions.
Sixième suggestion : Le travail est plus productif si, à mesure qu’avancent les conversations, on crée des sous-commissions thématiques qui font progresser les recherches et les conversations sur des thèmes ciblés, qui présentent des rapports et font des suggestions à la table centrale sur les possibilités d’accord à construire sur des sujets. Ces divisions thématiques du travail sont plus utiles si elles se font accompagner par la visite de membres de la société, dirigeants sociaux et experts qui permettent d’avoir un regard élargi et pluriel sur les thèmes traités.
 
Il est toujours bon de compter sur le conseil et l’expertise qualifiée sur des thèmes qui revêtent des tensions majeures et complexes. Et d’être disposés à prendre en considération leurs observations.
 
Septième suggestion Le temps des conversations et des accords se mesure en termes de volonté politique des parties. Il n’existe pas d’horloge distincte, toute pression qui s’y exerce est contre-productive et, comme il a été démontré, fixer des délais pour ne pas les respecter est une erreur.
 
Le meilleur des processus n’est pas celui qui tarde le plus, ni celui qui tarde le moins, mais celui qui assure les meilleurs résultats et arrive à des accords où les parties sont satisfaites et dont l’ensemble de la nation est bénéficiaire.
 
Les processus de paix abordent toujours en première instance le temps futur, celui des changements et des réformes qui doivent garantir la coexistence pacifique et justifier l’abandon des armes. C’est un temps pour se connaitre, construire la confiance et gagner l’ assurance que ce qui est accordé va à être accompli. C’est un temps pour penser au bien-être, à la justice, à l’équité et à la démocratie.  A des réformes substantielles, sur le chemin de réformes structurelles qui correspondent aux luttes politiques du post-conflit.
 
Ensuite, on aborde le temps passé et on en solde les comptes : C’est celui qui aborde le thème des victimes et de la justice. Il reprend et construit des accords sur la base de la pleine reconnaissance des droits humains des victimes, de leur droit à la vérité, à la justice, à la réparation intégrale et à l’engagement de non répétition. Les victimes doivent être au centre de ce temps dans une perspective de futur.
 
Le dernier temps que l’on aborde est le présent qui est celui de l’arrêt de la guerre, la fin du conflit, le dépôt des armes et le passage de l’insurrection à la lutte sociale et politique avec une pleine reconnaissance de ses droits citoyens. C’est le thème des mécanismes de ratification, de vérification et de suivi.
 
Tout le processus se construit sur les certitudes que les parties prennent les décisions qui leur correspondent dans les cadres pertinents. Il n’y a pas de meilleur temps pour la paix que celui de maintenant et il n’y a pas de meilleur gouvernement que celui qui gouverne en étant disposé à la solution politique du conflit.

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