sábado, 11 de junio de 2016


GONZALO ARANGO

Le fondateur du nadaïsme en Colombie fut un séducteur professionnel qui ne jouissait pas des conditions physiques inhérentes au stéréotype du genre. C'est du moins ce qu'affirme le poète Jaime Jaramillo Escobar dans le prologue de "Dernière page", la compilation d'articles d'Arango publiée récemment.

L'écrivain et journaliste de la région d'Antioquia, reconnu comme étant le fondateur du mouvement nadaïste en 1958, a été chroniqueur et collaborateur de El Tiempo et de la revue Cromos où il publia les 35 articles regroupés dans le livre "Dernière page" édité par l'Université d'Antioquia, l'Université Pontificale Bolivarienne et l'Université de Médellin. Voici l'un d'entre eux :

Confessions d'un séducteur

Quelques fois je suis heureux, spécialement quand j'aime. Je laisse que la vie me passe par les yeux et me laisse exister avec une passivité qui ne fait pas de résistance à la crainte, ni à l'idée de mourir. L'esprit d'inquiétude cède ses fureurs au silence et une espèce de brume endort les impatiences de l'âme.

Mais l'amour, bien que ce soit mon sentiment le plus créatif, ne peut jamais être l'image d'un amour heureux. Il doit nécessairement être un sentiment de trouble, de rupture. Le garder à distance pour le conquérir, c'est dans cette lutte que s'enracine sa beauté. Posséder pleinement un être, c'est le détruire. Ainsi, un soleil éblouissant détruit la lumière, étouffe le regard et ruine la splendeur des objets. La possession est mortelle pour le désir, elle lui vole son enchantement, son mystère, ce mystère qui est l'essence de l'amour, son arme la plus séductrice. C'est pourquoi, la femme qui cache son identité derrière un masque est excitante jusqu'à la folie : Elle stimule notre passion de possession, notre passion créatrice. Sa dissimulation s'ouvre comme un défi pour notre soif de conquête.

La femme, en livrant son amour, doit conserver pour elle-même une zone inédite, une zone de pénombre, celle que l'homme découvrira après la possession et qui laisse toujours un sentiment de reddition et de nostagie.

Si dans le processus de la conquête, cette zone s'illumine avec plénitude, les amants doivent la renouveler, créer une nouvelle étoile et une nouvelle distance dans le ciel de la passion. Ainsi, le processus créateur de l'amour deviendra infini, et le sexe cessera d'être une réclamation transitoire de l'instinct pour se convertir en poème de vie, d'une beauté tourmentée qui scellera sa durée en le sauvant des menaces de la routine et de l'ennui.

Je ne prône pas la ruse et la trahison qui sont des armes frauduleuses de l'amour puéril. Je veux exciter la femme à une rébellion de sa nature pour qu'elle secoue les complexes séculaires de la grossière domination qui la soumet au destin misérable d'objet érotique justificateur de l'égoïsme viril. Cette libération sera possible quand la femme décidera de rompre les structures anciennes qui ne lui donnent d'autre alternative qu'une fatalité procréative et qu'elle abandonnera le narcissisme dragueur de l'éternel féminin dont elle a trop cher payer l'imbécillité. Alors, oui, elle sera un être humain, un esprit créateur de valeurs dont l'avenir n'est pas seulement l'homme, mais l'histoire.

Nous aimons tous un jour, et nous échouons tous un peu. L'expérience, unie à la réflexion sur les sentiments nous enseigne à connaitre la nature de l'âme, qui est complexe comme le mystère du monde.

L'amour a deux ennemis mortels : Le bonheur total et le malheur total. S'ils s'érigent l'un ou l'autre en systèmes éternels de vie émotionnelle, ils finiront par le détruire. L'idéal serait une vérité d'amour dont l'équilibre résiderait à la fois sur un peu de certitude et un peu de doute, sur la possession et l'éloignement, sur l'utopie et la nostalgie. C'est dans la synthèse de ces opposés que l'amour trouvera son centre de gravité, son énergie et ses sources de durée.
 
— Pourquoi ne dis-tu jamais que tu m'aimes ?
— Pourquoi ? Devines. Si je te le disais tout le temps, tu t'ennuierais et tu cesserais de m'aimer.

Elle avait raison. Avec son silence, elle mettait en mouvement ma fantaisie, elle m'excitait dans une lutte avec ses fantasmes intérieurs, elle me donnait à douter, à souffrir les terreurs de l'espérance ou les douceurs du désespoir.

L'unique avenir de l'amour, c'est le présent, et il se mérite chaque jour. Car l'amour a la durée des choses éphémères : celle d'une journée, d'une vague, d'un baiser. Son "éternité" dépend de ce mouvement continuel pour qu'une vague forme la suivante, et que le baiser amène à nouveau le désir. Avec ce rythme incessant, l'amour peut se gagner comme une victoire pour toute la vie, ce qui est meilleur que pour toute "l'éternité".

Voilà, par essence, la nature et le destin de l'amour : Ce qui nait, vit, languit, meurt et ressuscite constamment. Et sa résurrection dépendra du miracle qui n'est rien d'autre que la poésie. Mais cette poésie n'est pas en vers, elle ne se réfère pas à des idéalismes dépouillés de chair. Cette poésie est vie, elle est faite du corps des amants, de leurs désirs, de leurs silences, et de chaque atome d'énergie vivante.

L'amour, cette effusion, n'est pas un divorce du corps et de l'esprit mais plutôt leurs noces. L'amour charnel n'existe pas, ni l'amour idéal. Ces préjugés sont des aberrations symboliques de la morale. L'amour authentique, le pur amour est l'apothéose du corps et de l'âme réconciliés dans l'unité vivante de deux êtres triomphant sur la mort, sur la solitude, dans l'exil de la terre.

Disons en son honneur que l'amour est un mystère, et que son unique évidence est qu'il existe. Car il existe sans doute aucun et il éclaire d'autres mystères avec son pouvoir révélateur. Quelques fois, dans des nuits de détresse et d'athéisme amer, j'ai découvert dans dans les bras d'une femme le visage de Dieu. C'est pourquoi, pour moi, il est sacré, parce qu'il comble dans mon âme les abimes du divin, la nécessité d'un idéal qui donne du sens à la vie et qui fasse fleurir la terre. Car Dieu, c'est tout le vivant, surtout une femme aimée, sauf quand elle charge l'amour de chaines pour faire de la vie un enfer.

Ces pensées que j'ai pensé sur l'amour sont la réponse à une question furtive d'une femme bourgeoise. Elle voulait savoir ce qu'était l'amour pour moi, si c'était une passion sexuelle ou un sentiment de l'esprit. Je lui ai dit très respectueusement :
—Madame, ce sont les deux choses, mais au lit.
Comme elle était célibataire, avec une morale stoïcienne, elle s'est scandalisée. Mais ce n'est pas de ma faute si le visage de la vérité, comme celui de l'amour, est un visage nu. Ou plutôt, deux visages nus. 

Cromos (2.496). Bogotá, 12 juillet 1965. p 72

1 comentario:

  1. Buenas Tardes profesor, mi nombre es Daniela Caro, soy estudiante del externado, y me encuentro haciendo una investigación para sustentar un ensayo final sobre la pregunta ¿ cómo la implementación del acuerdo de paz hubiese contribuido a fortalecer la democracia en Colombia?. Para ello estoy leyendo su escrito FARC-EP y ELN, una historia comparada. Sin embargo me gustaría saber si usted podría recomendarme algún artículo u otro texto que me ayuden a soportar este ensayo. Muchas gracias. mi correo es dani0599@gmail.com

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